Tout commence avec le mariage de Juliette et de Jean. Juliette n'a jamais quitté son village. Jean est capitaine d'une péniche : l'Atalante. Désormais, ils vivent tous deux dessus. A bord, nous trouvons aussi un petit mousse et le père Jules, un vieil ivrogne, accompagné de ses nombreux chats, chattes et chatons. Mais Juliette, séduite par les promesses d'un camelot beau parleur, s'enfuit pour partir à la découverte de Paris, laissant Jean dans un profond état de dépression.
Après l'interdiction de Zéro de conduite, tourné en 1932 mais qui ne sortira finalement qu'en 1945, Jean Vigo réalise son quatrième film, et son seul long-métrage, avant de nourrir à Paris de septicémie. L'Atalante a ainsi été monté par Louis Chavance pendant que Vigo, alité, agonisait. C'est peut-être pour ça qu'il existe tant de versions différentes de ce film, légendaire. Circulent un montage de Henri Beauvais, un autre de Jean-Louis Bompoint et de Pierre Philippe. Même Henri Langlois a trafiqué sa propre version de L'Atalante.
La copie qui fait référence aujourd'hui est celle de Bernard Eisenschitz, sortie en 2001. Il s'agit en théorie du montage approuvé par Jean Vigo dans son lit de mort. Un film intitulé Les Voyages de l'Atalante est d'ailleurs consacré à la comparaison des nombreux montages du chef-d'œuvre de Vigo. Personnellement, je regrette un peu que le film ait perdu une partie de sa dimension surréaliste (fini ce plan de l'iceberg incongru, où Jean Dasté suce un glaçon dans une séquence onirique intégrée de force au milieu du script).
Reste que, quel que soit la version considérée, L'Atalante est une sublime histoire d'amour et de désir, soutenue par des images d'une incroyable beauté. Cette péniche qui dérive mollement le long de la seine a marqué à jamais le cinéma. Jean Vigo, fils d'anarchiste mort avant 30 ans, est considéré comme une légende du cinéma à cause de cet unique long-métrage, qu'il n'a d'ailleurs jamais visionné. L'Atalante est cité comme référence par les réalisateurs de la nouvelle vague. François Truffaut dit lui devoir son regard et Jean-Luc Godard dédia Les Carabiniers à Vigo.
Succession de scènes souvent anodines et en grande partie improvisés, L'Atalante brille par le naturel de ses acteurs et la simplicité de son intrigue. Michel Simon se plaignait de ne pas avoir de texte à apprendre, ce à quoi Vigo lui répliquait : "tout ce que je pourrais écrire sera beaucoup moins drôle que ce que vous allez dire." La linéarité du film est à l'image du fleuve qu'il suit, linéarité brisée quand le couple éclate.
Il faudrait une éternité pour analyser pleinement L'Atalante, et plusieurs ouvrages lui sont consacrés. Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez vous tourner vers L'Atalante de Nathalie Bourgeois et Bernard Benoliel, qui a le mérite d'être disponible en ligne. Mais dans tous les cas, commencez par vous jeter sur ce classique.
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