lundi 20 juin 2011

Une page folle de Teinosuke Kinugasa

Une page folle (Kurutta ippêji) est un film Japonais réalisé par Teinosuke Kinugasa en 1926. Il est interprété par Masuo Inoue, Yoshie Nakagawa, Ayako Iijima, Hiroshi Nemoto et Misao Seki. Le scénario est écrit par Yasunari Kawabata, qui reçut le prix Nobel de littérature en 1968.



Pour ceux qui ne connaissent pas Teinosuke Kinugasa, il a eu le Grand Prix en 1954 au festival de Cannes. C'était pour le film La porte de l'enfer qui constitue un sommet esthétique incontournable. Avant d'obtenir une célébrité internationale avec son prix, Kinugasa s'était déjà démarqué avec Une page folle, un film noir et blanc et muet sorti en 1926.

A moitié surréaliste, et très inspiré du cinéma expressionniste allemand, le film raconte l'histoire d'un homme dont la femme, folle, est internée dans un asile psychiatrique. Lui rendant visite régulièrement, il trouve un travail sur place affin de rester au près d'elle. Finalement il tente de la faire évader, mais cette dernière n'est pas en état de comprendre ce qu'il lui veut.

Le film est terriblement tragique, notamment par l'alternance entre la vision du mari et la perception déformée et surréaliste du monde de la femme. Les efforts de l'homme pour essayer encore de communiquer avec son épouse sont poignants. Il n'y a pas un seul intertitre dans tout le film, ce qui rend l'histoire assez difficile à suivre mais renforce l'impression d'incommunication.

Il n'existe plus qu'une copie du film (qui fut longtemps considéré comme perdu). L'American Film Institute a bien voulu la prêter au ministère de la culture dans le cadre du premier Festival de l'histoire de l'art et c'est ainsi que j'ai pu le découvrir. Je ne sais pas comment vous ferez pour le visionner mais ça vaut le coup. En attendant, on trouve un extrait de quelques minutes sur Dailymotion (qui correspond d'ailleurs au tout début du film).

Deux ans avant Un chien andalou, le cinéma japonais prouvait qu'il pouvait produire des OVNIs cinématographiques surréalistes. Donc si vous aimez la culture nipponne, vous savez ce qu'il vous reste à faire.

Triangle de Christopher Smith

Triangle est un film anglais réalisé par Christopher Smith en 2009. Il est interprété par Melissa George, Joshua McIvor, Jack Taylor, Michael Dorman et Henry Nixon.



J'ai un faible pour Christopher Smith. Malgré son nom tellement banal qu'il est difficile à retenir, il a toujours fait preuve d'une grande inventivité dans sa façon de s'approprier les codes du cinéma de genre pour en faire quelque chose d'original. A mes yeux, Severance est le meilleur survival jamais réalisé (mais vu seul, il n'a aucun intérêt, il n'est bon que si on connait La coline a des yeux, Détour mortel et Massacre à la tronçonneuse). Aimant par ailleurs les histoires de voyage dans le temps, j'attendais donc beaucoup de son Triangle, un film sorti en 2009 en Angleterre mais venant tout juste de trouver un distributeur chez nous.

Triangle est l'histoire d'une femme : Jess. Célibataire et mère d'un enfant autiste, elle se laisse convaincre par un ami de prendre un jour de vacances sur son voilier en même temps que quelques autres connaissances. Mais après trois heures de navigation, le vent tombe brusquement et une tempête étrange débarque sans crier gare. L'esquif est retourné par une vague... heureusement un paquebot démesuré passe à proximité et nos héros sont recueillis à bord.

Le cadre du film est principalement ce paquebot, l'Aeolus. Ce décors démesuré et théâtral est vide, à l'exception de nos rescapés. Après une montée progressive de la tension, et au détour d'un couloir, Jess finit par se croiser elle même. Commence alors une complexe histoire de boucle temporelle et de meurtres en série dont le rythme s'emballe.

Bien que lorgnant en apparence du côté du slasher, le film est intelligent et élaboré, voir virtuose. Les personnages existent en plusieurs exemplaires qui interagissent entres eux de façon complexe, et une fois le film fini il est impossible de résister à la tentation de le voir une seconde fois pour mettre à l'épreuve ses hypothèses. Les références au cinéma horrifique (Shining en tête) mais aussi à la mythologie grec (Éole et le père de Sisyphe, qui était condamné à répéter infiniment la même besogne), sont appréciables, tout comme la multitude d'interprétations offertes par certaines scènes.

Si vous avez aimé Timecrimes et Halloween, foncez sans hésiter sur Triangle.