lundi 31 octobre 2011

Anima Mundi de Godfrey Reggio

Anima Mundi ou The Soul of the World est un documentaire réalisé par Godfrey Reggio. Sorti en 1992, il est produit par Steve Goldin, Rory Johnston, Gianfilippo Pedote, Enrico Tagliaferri et Lawrence Taub.



Fier de sa collaboration avec le compositeur Philip Glass sur Koyaanisqatsi et Powaqqatsi, et dix ans avant Naqoyqatsi, Godfrey Reggio sort en 1992 un court-métrage intitulé Anima Mundi. Pas de scénario, pas de commentaires, et pas d'acteurs : le documentaire se concentre sur la beauté du monde animal, beauté considérablement mise en valeur par la musique de Philip Glass. Comme dans la Trilogie des Qatsi, le verbe a été écarté délibérément.

Commandité pour servir à promouvoir la WWF, le film dure seulement 28 minutes mais a l'intensité musicale d'une symphonie. Simplement pour sa bande originale, Anima Mundi est déjà un bijoux. Les images sont également superbes : le spectateur est transporté à travers la jungle, la savane et les océans à la découverte d'insectes, de reptiles, de bacilles, de poissons, de félins de lémuriens et d'une foule d'autres créatures, toutes plus élégantes les unes que les autres.

Hélas, alors que le trois films Qatsi admettaient une multitude d'interprétations et semblaient transmettre un message complexe quoi que codé, Anima Mundi n'a pas d'autre propos que de faire l'éloge de la nature. Bien que belles, les images laissent une impression de déjà-vu. Il y a cependant des exceptions, comme tous ces plans sur le regard des animaux (singe, autruche, lion, éléphant), plans qui parsèment le film. Mais au final on est loin de l'inventivité visuelle de Koyaanisqatsi ou des expérimentations technologiques de Naqoyqatsi. La cause est simple : Godfrey Reggio travaille essentiellement avec des images d'archive (quelques scènes ont été tournées pour le film, mais elles sont minoritaires).

Malgré quelques petits défauts, Anima Mundi mérite largement une demi-heure de votre vie. Il est aussi très abordable, par sa simplicité, sa courte durée et son sujet, ce qui fait de lui le prélude idéale à l'œuvre de Godfrey Reggio.

samedi 29 octobre 2011

Naqoyqatsi de Godfrey Reggio

Naqoyqatsi est un documentaire américain réalisé par Godfrey Reggio en 2002. Il est produit par Steven Soderbergh.



Naqoyqatsi est le dernier volet de la Trilogie des Qatsi, une série ambitieuse de documentaires muets dont le tournage s'est étalé sur plus de 25 ans. Considérés comme séminaux, ces films ont engendrés une multitude de rejetons, dont le plus connu est Baraka.

Devenu réalisateur, Ron Fricke cède sa place de directeur artistique à Russell Lee Fine, qui brille par son sens aigu du cadrage et de la composition, mais dont certains choix sont discutables. Il y a notamment dans Naqoyqatsi une foule de séquences en images de synthèses. Or, en 2002, les logiciels de rendus laissaient encore à désirer, si bien que Naqoyqatsi semble au final plus obsolète que Koyaanisqatsi et Powaqqatsi (qui sont atemporels). D'un autre côté, ces plans numériques trop lisses et trop parfaits ont un certain charme mathématique.

Le titre Naqoyqatsi est un mot Hopi, une langue uto-aztèques qui n'est plus parlée que par un très faible nombre de locuteurs dans le monde. Cela résulte d'une volonté délibérée de s'affranchir du verbe. En Hopi, nahqoy signifie violence extrême et qatsi signifie vie. Car Naqoyqatsi est censé être un exercice sur la guerre et la violence des civilisations modernes.

Le film s'ouvre sur la Tour de Babel de Pierre Bruegel et enchaine sur des images d'une gare désaffecte (la Michigan Central Station, à l'abandon depuis 1988). Jusque là on peut faire un parallèle. Suit un plan sur un océan déchainé, puis c'est un lac capturé avec un intervallomètre. Fondu... et un travelling arrière dans le désert se termine sur une pyramide numérique qui pousse...

Le ton est donné : Naqoyqatsi est bien plus abstrait et surréaliste que ses ainés. On passe beaucoup de temps à se demander ce qu'on regarde. Peut-être est-ce pour souligner que nous vivons dans un monde de technologie, de synthétique et de virtuel. Un monde de guerre qui n'a ni sens ni but. Terriblement innovant, le dernier film de Godfrey Reggio a autant sa place dans un musé d'art contemporain que dans un cinéma. Vous y verrez en vrac de explosions atomiques, la bourse de New-York, les Beatles et des girafes...

Un effort permanent est fait pour présenter des séquences novatrices, notamment par le recours à l’imagerie scientifique (microscopie optique, rayons X, tomographie, simulations numériques en mécanique des fluides, triangulations, maillages 3D, rendu de voxels, ensemble de Mandelbrot, raytracing, raycasting). Ajoutez à cela des images tirées de Doom II, de Perfect Dark et d'Anima Mundi (un autre documentaire de Godfrey Reggio)... Et vous obtenez une salade étrange et fascinante, qui intrigue du début à la fin.

Même si la guerre semble le thème marquant de Naqoyqatsi, l'œuvre est impossible à résumer ou à synthétiser. Il faut la voir de ses propres yeux (un peu comme la matrice). C'est certainement le volet le plus difficile à aborder de la Trilogie des Qatsi, donc si vous n'avez pas supporté les deux autres vous pouvez passer votre chemin. Dans le cas contraire, foncez l'acheter, le télécharger ou l'emprunter.

jeudi 27 octobre 2011

Powaqqatsi de Godfrey Reggio

Powaqqatsi est un film américain réalisé par Godfrey Reggio en 1988. Comme il tient du documentaire abstrait, il n'a pas de casting, même s'il est peuplé d'une foule de silhouettes anonymes. Il est produit par Francis Ford Coppola et George Lucas.



Sorti en 1982 Koyaanisqatsi, est seulement le premier volet de la Trilogie des Qatsi. Une saga informelle, dont le tournage s'est étalé sur plus de 25 ans. Il est suivi de Powaqqatsi en 1988, objet de notre intérêt aujourd'hui, et de Naqoyqatsi en 2002. Les trois films sont réalisés par Godfrey Reggio et accompagnés d'une musique de Philip Glass.

Comme dans le cas de Koyaanisqatsi, le titre Powaqqatsi est tiré de la langue Hopi, parlée par seulement 6000 amérindiens en Amérique du Nord. Powaqa se traduit par "faux magicien" et qatsi se traduit par vie. La version américaine du film est sous-titrée Life in transformation. Le thème semble être l'occidentalisation du mode de vie à travers le monde au détriment de toutes les autres cultures ainsi que les fausses promesses du paradis moderne. Mais Powaqqatsi ne porte aucun jugement, ne politise rien et laisse le spectateur libre d'interpréter. Car Powaqqatsi est simple vision qui ne repose sur aucune parole. Sans commentaires et sans texte, il ne s'exprime qu'à travers ses images, toujours somptueuses. Même si des voix d'enfants s'intègrent à la bande son, aucun dialogue ne vient détourner l'attention du spectateur.

Pourtant, Powaqqatsi est plus structuré que Koyaanisqatsi. Les images illustrent trois thème : la séduction du mode de vie occidentale, notamment à travers des publicités. L'harmonie de la vie traditionnelle à travers le monde (Inde, Népal, Afrique) et l'esclavage du monde industriel. Le film s'ouvre d'ailleurs sur Serra Pelada, une mine d'Or au Brésil où des dizaine de milliers de travailleurs s'acharnent à remonter des sacs de terre dans ce qui semble être une fourmilière géante.

Mais le point vraiment remarquable, c'est la musique de Philip Glass qui constitue une symphonie moderne et élaborée, toujours en parfaite corrélation avec les images. La preuve est que vous avez forcément entendu le morceau Anthem Part 2 quelque part (soit dans une bande annonce, soit dans The Truman Show, qui le reprenait). Donc, si vous n'avez pas 99 minutes à consacrer à un film conceptuel, prenez au moins le temps d'écouter sa bande son.

mardi 25 octobre 2011

Koyaanisqatsi de Godfrey Reggio

Koyaanisqatsi est un documentaire américain réalisé par Godfrey Reggio en 1982. Il est produit par Francis Ford Coppola.



C'est difficile de parler de Koyaanisqatsi dans une conversation ordinaire de cinéphile, même déviant. D'abord parce qu'il y a de fortes chances que l'interlocuteur ne soit pas intéressé (jugez plutôt : un documentaire sans véritable sujet, sans paroles et sans explications). Ensuite parce-que le nom Koyaanisqatsi est difficile à mémoriser (et à épeler, heureusement que Google sait corriger l'orthographe).

En langue Hopi, le titre veut dire "vie folle" mais qui parle cette langue ? Il doit rester à tout casser 6000 Hopis en Amérique du Nord. Et sans Wikipédia cette peuplade amérindiennes ne serait connue que des ethnologues. En fait Godfrey Reggio ne voulait même pas donner de nom à ses films, poussant jusqu'au bout ce choix délibéré de ne pas utiliser de mots et de verbes. Quand il a dû se résoudre à le faire, il s'est rabattu sur une langue inconnue pour rester le plus neutre possible.

Le film se concentre sur l'emballement du monde moderne pour la technologie, sur l'urbanisation tentaculaire et certainement sur des tas d'autres choses. Mais c'est difficile à dire, car Koyaanisqatsi (merci le copier-coller) est avant tout une œuvre conceptuelle. Comment la décrire ? Vous voyez le générique de Des Racines et des ailes ? Et bien c'est ça pendant 87 minutes (d'ailleurs, les images dudit générique sont directement tirées de Koyaanisqatsi). Sauf que plus ça se prolonge, plus les possibilités d'interprétations sont riches.

Le film s'ouvre sur trois prophéties Hopi :

Si l'on extrait des choses précieuses de la terre, on invite le désastre.

Près du Jour de Purification, il y aura des toiles d'araignées tissées d'un bout à l'autre du ciel.

Un récipient de cendres pourrait un jour être lancé du ciel et il pourrait faire flamber la terre et bouillir les océans.

A part ces quelques lignes énigmatiques, Koyaanisqatsi ne contient pas de commentaires, pas d'explications, pas de dialogues, pas d'intrigue et pas de chronologie. Tout au plus peut-on le découper en séquences, plus somptueuses les unes que les autres. Car Koyaanisqatsi est terriblement beau, majestueux, froid et complexe. Il brilles par ses mises en parallèles osées et visuellement inventives. Les vues aériennes d'une ville se transforment par la magie du montage en des photographie de circuits imprimés, et les flux humains deviennent des flux d'électrons dans une citadelle de transistors. Les logements sociaux de Pruitt-Igoe s'écroulent avec majesté. Une fusée s'élève vers l'infini... Et des débris retombent et s'enflamment en entrant dans l'atmosphère...

L'œuvre fait un usage intense de l'intervallomètre, un dispositif qui permet de prendre des prises de vues à des intervalles définis très espacés. Cela permet de filmer en accéléré des tas des scènes de la vie quotidienne, ou de la nature, et de leur donner une dimension frénétique et surréaliste.

Accompagné d'une musique de Philip Glass terriblement contemporaine, la bande son évolue entre des cuivres lents et un synthétiseur ultra-rapide, en fonction des images évoquées. Au final, ce premier Qatsi est un incontournable du cinéma. Très remarqué à sa sortie, il a inspiré Baraka, Chronos, Samsara et Manufactured Landscapes.

dimanche 23 octobre 2011

Dharma Guns de F. J. Ossang

Dharma Guns (sous-titré la La succession Starkov) est un film français écrit et réalisé par F.J. Ossang. Sorti en 2010, il est interprété par Guy McKnight, Lionel Tua, Diogo Dória, Stéphane Ferrara, Alexandra Fournier et Patrick Bauchau.



Le premier constat, c'est que Dharma Guns est vraiment beau avec un noir et blanc qui fait penser au cinéma expressionniste allemand. Les images sont superbes, bien léchées et souvent bénéficient d'une composition très géométriques. Par contre l'histoire est résolument incompréhensible... Du cinéma expérimental avec sans doutes une multitude de métaphores, mais dont on ne saisit qu'une fraction infinitésimale.

Le film nous parle en vrac de clones, de traitements expérimentaux, de secrets pharmaceutiques, des mystérieux Dharma Guns, d'un script et d'une enquête. Mais tout cela n'est qu'un écran de fumé qui se dissipe rapidement. Dharma Guns n'est pas une œuvre narrative, même si elle s'efforce de le faire croire.

Une interprétation est que le film suit l'évolution de l'âme du héros juste après sa mort. Ça commence par une période de flottement, où il est saturé d'informations (sur les doubles génétiques, sur son héritage, sur le traitement qu'il doit suivre), puis notre protagoniste se prend en main et tente de s'évader de ce pays mystérieux où il est bloqué. Impossible de ne pas penser au Festin nu de David Cronenberg et à son interzone dont la frontière est si bien gardée. Finalement, l'acceptation du décès de sa compagne semble être une métaphore pour l'acceptation de son propre trépas. Mais ceci n'est qu'une interprétation personnelle, sans doute influencée par Waking Life et L'échelle de Jacob.

Malgré l'errance complète dans le quel il induit son spectateur, le film d'Ossang est un intéressant moment à passer, ne serait-ce qu'à cause de la poésie de ses images. Ce qui le démarque d'autres œuvres surréalistes, par exemples de celles de Shûji Terayama, c'est l'impression continuelle et trompeuse qu'il donne d'avoir un scénario. Ce n'est qu'en l'acceptant objectivement comme une œuvre surréaliste qu'il prend sa juste valeur.

F. J. Ossang nous dit que l'homme qui rêve est un génie et que l'homme qui pense est un mendiant, je suppose que cela résume bien l'ensemble.

vendredi 21 octobre 2011

Dream House de Jim Sheridan

Dream House est un thriller américain réalisé par Jim Sheridan. Sorti en 2011, il met en scène Daniel Craig, Naomi Watts, Rachel Weisz, Marton Csokas, Taylor Geare et Rachel G. Fox.



Tout commence avec Will Atenton (Daniel Craig) qui plaque son travail d'éditeur pour se consacrer à sa famille et écrire un roman. Avec sa femme (Rachel Weisz) et ses deux filles, il vient de s'installer dans une nouvelle maison. Hélas, sa quiétude est vite troublée par les apparitions d'un mystérieux étranger. Et, cerise sur le gâteau, il apprend qu'un certain Peter Ward, récemment remis en liberté, aurait massacré sa femme et ses deux filles dans sa maison cinq années plus tôt (quelle coïncidence).

Avec un démarrage qui évoque Amityville, Dream House est en fait une pale copie de Shutter Island et de Les Autres (mais sans le talent de Martin Scorsese ou d'Alejandro Amenábar). Son script ne comporte aucune originalité et repose sur un pathétique twist, terriblement prévisible et souligné par des indices colossaux (y compris l'affiche du film). D'ailleurs la révélation débarque au milieu de l'histoire, si bien qu'ensuite Jim Sheridan ne sait plus quoi raconter. Du coup, il transforme son film en une vague enquête policière mal-foutue et nous brode une interminable conclusion avec une maison en feu, des flammes partout et une belle célibataire en détresse (Naomi Watts). Il pousse même le vice jusqu'à se sentir obligé d'insérer un peu de surnaturel, parfaitement inutile, dans une histoire qui jusque là pouvait s'interpréter de façon rationnelle. La scène tombe à plat, un peu comme si on voyait Cthulhu à la fin de The Haunting de Robert Wise.

Tout n'est pas raté. La photographie de Caleb Deschanel est soignée (il a bossé avec David Lynch sur Twin Peaks, donc c'est loin d'être un débutant). De même, la mise en scène de Jim Sheridan est correcte, quoi qu'un peu calibrée et studieuse. Hélas Daniel Craig a l'air de s'ennuyer profondément et sous-joue, rendant ses scènes peu crédibles.

Bref, Dream House un excellent représentant des bébés difformes qu'a engendré Sixième Sens. Il fait pitié quand il vole des plans à Shining tout en les dévalorisant (les petites filles au fond du couloir), mais le reste du temps il est juste ennuyeux et convenu.

mercredi 19 octobre 2011

L'Île de l'épouvante de Mario Bava

L'Île de l'épouvante est un film italien réalisé par Mario Bava. Sorti en 1970, il est interprété par William Berger, Ira von Fürstenberg, Edwige Fenech, Howard Ross, Helena Ronee, Teodoro Corrà, Ely Galleani et Edith Meloni.



Comme beaucoup de films italiens, L'Île de l'épouvante est connu sous plusieurs titres, dont le racoleur Cinq filles dans une nuit chaude d'été. Le titre original, 5 bambole per la luna d'agosto, se traduit littéralement par Cinq poupées pour la lune d'août, ce qui ne résume pas l'intrigue, mais a le mérite de présenter les personnages. C'est un giallo, genre démocratisé par Mario Bava lui-même, avec plusieurs éléments qui préfigurent le slasher. Dans les grandes lignes, on peut décrire le film comme une version déviante et très graphique des Dix petits nègres.

Tout commence avec un riche industriel qui invite plusieurs de ses relations sur une île méditerranéenne afin de se prélasser pendant quelques jours. Sauf que le professeur Farrel est venu avec la formule chimique d'une résine révolutionnaire, formule que tout le monde convoite. Le professeur est intraitable, il ne veut pas la céder même pour un million. Rapidement, les meurtres vont se multiplier, sans qu'on sache qui tue qui, ni pourquoi. Le scénario est un vrai sac de nœuds et l'ambiance évoque à la fois Alfred Hitchcock et un certain cinéma italien décomplexé.

L'Île de l'épouvante est un des nombreux films peu diffusé et peu connu de Mario Bava. Pourtant il jouit de décors superbes qui évoquent le futur travail de Dario Argento, d'un rythme étrange mais soigneusement calibré et d'une certaine dose d'humour noir. Il faut voir comment la salle froide du manoir sert de morgue où les cadavres, de plus en plus nombreux, sont suspendus entre des quartiers de viande pendant que les rangs des acteurs s'éclaircissent. La mise en scène halluciné (trop de zooms) et le côté baba cool des personnages n'aide cependant pas à prendre l'ensemble au sérieux.

A part ça, rien à signaler. La photo est belle, avec des couleurs fortes et contrastés, et la musique de Piero Umiliani est psychédélique mais colle aux images. Au final, ce n'est pas un Mario Bava majeur, mais il peut mériter le détour pour les amateurs du genre.

lundi 17 octobre 2011

La Baie sanglante de Mario Bava

La Baie sanglante est un film italien réalisé par Mario Bava. Sorti en 1971, il est interprété par Claudine Auger, Luigi Pistilli, Claudio Camaso, Chris Avram, Leopoldo Trieste et Isa Miranda.



Mario Bava est un des inventeurs du giallo, ce genre policier italien si particulier caractérisé à la fois par son esthétique théâtrale, sa victimologie (exclusivement des femmes), et la dimension sanglante des meurtres qui parsèment l'intrigue. Il est admis que c'est La Fille qui en savait trop de Bava qui est le premier giallo, même si certains intégristes préfèrent une définition plus stricte, imposant un tueur ganté de noir et travaillant à l'arme blanche. Au quel cas, c'est Six femmes pour l'assassin le véritable ancêtre (mais il s'agit également d'un film de Mario Bava).

Tout commence dans un somptueux manoir italien, au bord d'une splendide baie. La comtesse Federica Donati, en fauteuil roulant, est attaquée par son mari, qui échoue dans sa pathétique tentative de meurtre et se fait poignarder par un inconnu. La police conclut au suicide et Federica n'est pas inquiétée. Pendant ce temps, un riche promoteur veut transformer la fameuse baie en site touristique et chercher à acquérir terre et manoir. Mais la comtesse ne veut pas vendre...

Le titre original est Reazione a catena, ce qui se traduirait par réaction en chaine. Les meurtres, très nombreux, sont liés les un aux autres, dans une spirale de violence hallucinante qui fait même intervenir des enfants dans un twist final surréaliste et terriblement déstabilisant. Mais ce qui vaut à La Baie sanglante son statut de classique, c'est un quart-d'heure totalement incongrue au milieu de son intrigue, quand quatre adolescentes s'introduissent dans la baie pour s'amuser et se font massacrer dans une séries d'exécutions qui préfigure parfaitement le travail futur de Jason Voorhees. Deux des scènes de meurtres de la La Baie sanglante, dont le fameux couple en pleine action transpercé par une unique lance, sont ainsi copiées plan par plan dans Le Tueur du vendredi (le second film de la saga Vendredi 13).

Si vous aimez Dario Argento, et tout particulièrement Ténèbres, Les frissons de l'angoisse et L'oiseau au plumage de cristal vous devez essayer Mario Bava, mais La Baie sanglante n'est pas son meilleur film (ne serait-ce que d'un point de vue esthétique). Par contre, si vous raffolez de slashers, ce giallo est incontournable pour les 15 minutes prémonitoire de Vendredi 13 qu'il intègre.

samedi 15 octobre 2011

Manufacturing Dissent de Rick Caine et Debbie Melnyk

Michael Moore : Polémique Système ou Manufacturing Dissent est un film canadien réalisé, produit et écrit par Rick Caine et Debbie Melnyk. Sorti en 2007, il met en scène Michael Moore, Noam Chomsky, Sean Hannity, Al Franken, Jesse Larner, Christopher Hitchens et Harlan Jacobson, mais aussi Rick Caine et Debbie Melnyk.



Manufacturing Dissent est un documentaire sur un documentariste, et pas sur n'importe quel documentariste, puisqu'il s'intéresse à Michael Moore, le Charlie Chaplin du genre. Très critique, très partisan et vraiment amusant, il exploite le style de Moore contre lui-même. Malheureusement, c'est difficile de dénoncer une technique quand on en fait sois-même usage, et les propos tenus par Rick Caine et Debbie Melnyk sonnent un peu faux, quand ils ne ressemblent pas à une simple crise de jalousie. Debbie Melnyk a cependant l'honnêteté de reconnaitre son admiration pour Moore.

Le scoop de Manufacturing Dissent c'est que Michael Moore a menti dans son premier documentaire : Roger et moi. Il aurait eut un interview avec Roger Smith et l'aurait supprimé du film pour pouvoir raconter son histoire. De même, la décision de centrer le documentaire entier sur cette quête de Roger serait une idée de dernière minute, trouvée dans la salle de montage, quelques jours avant la première projection. Michael Moore nie tout en bloc, mais ce n'est pas comme si on pouvait lui faire confiance. D'autant plus que Manufacturing Dissent est un remake de Roger et moi. En effet, Moore fuit continuellement nos réalisateurs, esquivant chaque interview avec adresse. Ce n'est pas une coïncidence si cet interview impossible du sujet même du documentaire sert de fil conducteur à l'histoire.

Au-delà de l'anecdote sur Roger et moi, Manufacturing Dissent est une exploration, une analyse et une remise en cause globale de la méthode de Michael Moore. Le film nous montre comment les délicieuses petites anecdotes de Bowling for Columbine sont truquées. On ne vous donne pas immédiatement votre fusil quand vous ouvrez un compte au Michigan, et au Canada les portes ne sont pas toujours ouvertes...

Oui, Moore charcute ses interviews, joue sur les chronologie et est parfois de mauvaise foi. Et alors ? On parle de documentaires cinématographiques, pas de cours universitaires. Et c'est justement le mérite de Manufacturing Dissent. Ce film nous rappelle combien le cinéma est un art mensonger, et comment le montage et le filtre d'une caméra sont des outils puissants.

A la fois une critique et une éloge, Manufacturing Dissent vous permettra de voir sous un nouvel angle les œuvres de Moore. Certes, ce nouveau point de vue est aussi biaisé que le précédent, mais là n'est pas la question. Car, via une adroite mise en abyme, le film de Rick Caine et Debbie Melnyk vous fera réfléchir sur le cinéma.

jeudi 13 octobre 2011

Bowling for Columbine de Michael Moore

Bowling for Columbine est un documentaire américain réalisé par Michael Moore. Sorti en 2002, il met en scène Charlton Heston, Marilyn Manson, Matt Stone, George W. Bush, Dick Clark Michael Caldwell et Michael Moore lui-même.



Même si c'est Roger et moi qui a rendu célèbre Michael Moore, c'est Bowling for Columbine qui lui a vraiment donné l'ampleur internationale qu'il a maintenant. Prix du 55e anniversaire du Festival de Cannes, Oscar du meilleur documentaire, Best Documentary of All Time pour l'International Documentary Association et César du meilleur film étranger, Bowling for Columbine a reçu tant dans récompenses et a suscité tant de réactions contradictoires que c'est un peu vain de vouloir écrire dessus. Je vais donc me limiter à l'essentiel et vous expliquer pourquoi, quel que soient vos opinions politiques, vous devez voir ce film.

Partant de la fusillade du lycée Columbine à Littleton, Michael Moore s'interroge sur ce qui fait des États-Unis un pays avec tant d'homicides par arme à feu. Charge contre la National Rifle Association et contre l'amour des américains pour les fusils, les pistolets et les carabines, Bowling for Columbine est une succession d'anecdotes hilarantes et effrayantes sur un pays de cowboys. C'est difficile d'être distrayant et instructif à la fois quand on traite d'un sujet aussi grave, et pourtant Michael Moore y arrive brillamment.

Au delà de la polémique qu'il a suscité sur les méthodes peu orthodoxes de Moore, méthodes notamment illustrées dans Manufacturing Dissent de Rick Caine et Debbie Melnyk, ce film est un monument de manipulation et de pédagogie qui force l'admiration. Parfaitement construit, il illustres son propos avec du vrai et du faux, du rigolo et du tragique, le tout dans une alchimie parfaite. Alors oui, l'interview de Charlton Heston est tailladées dans tous les sens. Oui, la chronologie des discours de la NRA est retouchée pour illustrer les dires du film. Oui, ses chiffres ne sont pas toujours exacts, ou sont donnés légèrement hors contexte. Mais ça reste une expérience cinématographique extraordinaire...

La démagogie peut être distrayante, et Moore sait que pour remplir les sales, il faut du divertissement, pas de l'exactitude. Et si l'amuseur public arrive à faire réfléchir, même sur la bases d'approximations et d'anecdotes exagérées, c'est encore mieux. Car Bowling for Columbine est avant tout de l'entertainment hollywoodien, avec le piment de la polémique en bonus.

mardi 11 octobre 2011

Roger et moi de Michael Moore

Roger et moi (Roger & Me en VO) est un film américain réalisé par Michael Moore et sorti en 1989. Il met en scène Michael Moore lui-même ainsi que Rhonda Britton, Fred Ross, Ronald Reagan, Bob Eubanks et Roger Smith (à dose homéopathique).



Michael Moore est un génie. Non pour ses opinions qui sont loin de faire l'unanimité. Ni pour son influence politique, car il prêche essentiellement les convaincus. Mais parce qu'il a réussi à faire du documentaire quelque chose de ludique, de divertissant, d'accessible, de passionnant et de lucratif à la fois (même si ce qualités existaient déjà prises séparément). Faire payer quinze millions d'américains pour entendre critiquer dans Fahrenheit 9/11 le président qu'ils ont élu, c'est tout de même un véritable tour de force !

Roger et moi, ou A Humorous Look at How General Motors Destroyed Flint, Michigan est son premier documentaire. Sorti en 1989, il est considéré comme une des œuvres les plus importantes du genre et a projeté directement Michael Moore au devant de la scène cinématographique. Pourtant il n'y a que peu de contenu éducatif ou informatif dedans. Ce n'est pas une cours universitaire ou une enquête pointue : c'est une simple comédie noire, avec un bonne dose d'horreur sociale en toile de fond.

Jugez plutôt : Roger et moi raconte la déchéance d'une ville américaine, Flint dans le Michigan, suite à la fermeture des usines de General Motors. La suppression de trente mille emplois dans une ville d'environ cent-cinquante milles habitants est catastrophique, et pendant trois années, alors que la pauvreté explose et que le chaumage se généralise, Michael Moore filme cette chute. Mais ça c'est tragique et ça ne fait pas vraiment une histoire.

L'histoire, c'est Michael Moore qui va batailler pour rencontrer Roger Smith, le PDG de General Motors, afin de lui demander une explication. On le voit donc, à la façon d'un épisode de Bip Bip et Coyote, multiplier les tentatives et les échecs. Et ça c'est à la fois divertissant et indignant. On s'énerve qu'un PDG puisse avoir un tel degrés d'impunité qu'il n'ait même pas a accorder 10 minutes de son temps pour expliquer une décision qui a affecté une ville entière. Et lors du climax, quand Moore et Smith échangent enfin quelques mots dans des conditions que je ne peux vous révéler sans spolier le film, il y a une vraie tension, digne d'un Sergio Leone.

Après le générique, un message signale "This film cannot be shown within the city of Flint" suivi de "All the movie theatres have closed". Et cet avertissement à lui seul fait autant réfléchir que le reste du film.

Il y a une polémique. Certains prétendent que Moore a eut un interview avec Roger Smith et qu'il l'a supprimé du film pour pouvoir raconter son histoire. Bien entendu Moore nie énergiquement, mais à mes yeux c'est un faux débat. Manipuler la vérité n'est pas un problème. Le simple fait de filmer est une manipulation de la réalité. De plus, truqué ou pas, Roger et moi reste ce qu'il est : la réinvention d'un genre.

dimanche 9 octobre 2011

The Big One de Michael Moore

The Big One est un documentaire américain réalisé par Michael Moore en 1997. Il met en scène Dan Burns, Bill Clinton, Phil Knight, Kevin Keane et Michael Moore lui-même.



The Big One n'a pas un thème unique. Il s'intéresse aux grosses entreprises qui licencient du personnel alors qu'elle font du profit, mais aussi au financement des partis politiques, aux délocalisations et aux répercussion du chômage sur une Amérique en pleine crise. Et comme c'est filmé par Michael Moore, ces sujets austères sont traités avec énormément d'humour.

L'ouverture du film tiendrait du one-man-show comique si elle n'était pas aussi tragique. Michael Moore brandit des chèques qu'il a lui même adressé aux trois principaux candidats à la présidence (dont Bill Clinton). Ces chèques, rédigés sous le nom de divers associations factices (une amicale des défenseurs de la pédophilie, un groupe pour l'avortement) ont tous été encaissés par les partis contactés, alors que les associations concernées son en totale oppositions avec leurs valeurs affichées. Cela donne le ton pour 95 minutes de spectacle à la fois hilarant et révoltant.

Dans Roger & Me, Michael Moore essayait sans succès de rencontrer Roger Smith, le PDG de General Motors. Le film entier était une quête impossible pour un interview. Ici les choses sont différentes, puisque Moore rencontre plusieurs personnalités, notamment Phil Knight, le PDG de Nike. Et, filmé par notre agitateur professionnel, la présence de ce PDG est aussi amusante que l'absence de Roger Smith. Phil Knight explique ainsi, avec le plus grand sérieux, que les ouvriers américains ne veulent pas fabriquer de chaussures, contrairement aux indonésiens, et qu'il est donc impossible d'envisager d'ouvrir une usine Nike pour sauver Flint, la fameuse ville du Michigan ruinée par la fermeture des ateliers General Motors.

Moins connu que Roger & Me, Bowling for Columbine, Fahrenheit 9/11 et Capitalism: A Love Story, The Big One gagne cependant à être vu. A la fois instructif, manipulateur et distrayant, il représente parfaitement le style, maintenant mondialement connu, de Michael Moore.

vendredi 7 octobre 2011

Book of Blood de John Harrison

Book of Blood est un film d'horreur britannique, réalisé par John Harrison. Sorti en 2009, il est interprété par Jonas Armstrong, Sophie Ward, Clive Russell et Doug Bradley.



Livre de sang est le nom de la première nouvelle du premier recueil de nouvelles de Clive Barker. C'est une histoire courte mais efficace qui donne son nom au volume et qui résume bien le style de Barker. Considéré comme un classique de l'horreur, ce Livre de sang contient une multitude de pépites extraordinaires (j'ai un faible pour Le Cacophone). Par la suite, Barker publia d'autres recueils, toujours sous le titre Livre de sang. Plusieurs d'entre elles ont été adaptés au cinéma : The Midnight Meat Train, Dread, Rawhead Rex, Lord of Illusions et The Forbidden (sous le titre Candyman).

Quand en 2008 on commença à parler de John Harrison, qui tournait en écosse une adaptation de Book of Blood, j'étais impatient. Du coup j'ai foncé à L'Étrange Festival (édition 2009) pour le découvrir en avant première. Sur le moment, j'ai été pas mal déçu, et donc j'ai préféré ne rien dire plutôt que de faire une mauvaise critique... Avec le recul, je peux enfin donner mon opinion.

La nouvelle est courte. Elle se concentre sur un jeune imposteur, Simon, qui prétends communiquer avec les morts et qu'on recrute pour éclaircir le mystère d'une vielle demeure supposée hantée. Simon est suivi par une équipe d'universitaires qu'il mystifie brillamment avec quelques tours de charlatan. La responsable de l'étude, Mary, une enseignante spécialisée en parapsychologie, est amoureuse de lui, ce qui contribue à son aveuglement. Et quand le surnaturel pointe son nez, personne n'est prêt. Le film reprends les grandes lignes de la nouvelle mais doit broder pour durer ses 100 minutes. Du coup on nous introduit un tueur à gage, un traumatisme d'enfance et un conclusion qui, sans trahir le twist final de l'œuvre écrite, l'éclaire sous une nouvelle lueur.

Les acteurs sont convaincants et l'ensemble fonctionne correctement. Hélas, John Harrison est un habitué de la télévision (on lui doit la mini-série Frank Herbert's Dune). Cela se voit malheureusement à l'écran, et sa réalisation manque d'ambition. La dimension terriblement charnel de l'œuvre de Barker est laissée de côté, si bien qu'il ne reste qu'une histoire de hantise classique, seulement sauvée du naufrage par sa fin originale.

Oubliez l'horreur organique de Hellraiser, la photographie hyper-léchée de The Midnight Meat Train ou les délires type série B de Rawhead Rex. Book of Blood brille par sa banalité. Il vous introduira cependant à une des meilleures séries de nouvelles horrifiques jamais écrites. Si vous êtes avares de votre temps, sautez la case film et commandez directement le livre.

mercredi 5 octobre 2011

Cinéastes à tout prix de Frédéric Sojcher

Cinéastes à Tout Prix est un documentaire belge réalisé par Frédéric Sojcher en 2004. Il met en scène Max Naveaux, Jacques Hardy, Jean-Jacques Rousseau, Benoît Poelvoorde, Noël Godin, Christian Vrancken, René Cuba et Frans Badot.



Je suis un grand amateur de films méconnus et introuvables. Mais même pour moi, il reste une contrée entière de cinéma inexploré : les films de certains amateurs éclairés qui feraient passer Ed Wood, Bruno Mattei et Uwe Boll pour des génies. Et pour cause : le trio maudit cité ci-dessus est formé de professionnels. Aussi mauvais soient leurs films, ils sont payés pour les tourner et parviennent toujours à les vendre (que ce soit dans certains cinémas de quartier, en seconde parti d'une double séance, ou plus récemment en VHS ou en DVD).

Frédéric Sojcher s'intéresse à des cinéastes au moyens et au talent limités mais dotés d'une réelle volonté de faire du cinéma. En dépit de tout, ils filment. Le résultat est souvent hilarant, mais ne peut pas être critiqué au même sens que les œuvres de Ed Wood et de Bruno Mattei (qui n'ont pas l'excuse de l'amateurisme).

Découvrez les œuvres de Jean-Jacques Rousseau (pas le philosophe), auto-proclamé "le cinéaste de l'absurde". Ce mystérieux réalisateur cagoulé et autodidacte milite pour un cinéma fait de budgets étriqués avec des acteurs non professionnels. Avec plus de 40 films, et une moyenne de 2000 euros par long-métrage, il peut tourner la bataille de Waterloo dans son jardin (véridique). Et souvent cela donne des titres comme Furor Teutonicus, La Revanche du sacristain cannibale ou Wallonie 2084.

Découvrez aussi Jacques Hardy, ancien professeur d'économie, qui profite de sa retraite pour tourner des peplums et des westerns. Découvrez enfin Max Naveaux, ex-projectionniste désormais spécialisé dans les reconstitutions de la seconde guerre mondiale. Qui fait de vrais explosions qui semblent moins réelles que certains trucages.

Tout cinéaste amateur ayant manié le caméscope HD ou la caméra 8mm se reconnaitra un peu dans ces figures, attachantes et maladroites.

lundi 3 octobre 2011

Spider de David Cronenberg

Spider est un film canadien réalisé par David Cronenberg, sorti en 2002. Il est interprété par Ralph Fiennes, Miranda Richardson, Gabriel Byrne, John Neville et Lynn Redgrave.



Spider est injustement méconnue en dépit du Prix Génie qu'il rapporta à Cronenberg en tant que meilleur réalisateur et en dépit de sa sélection à Cannes en 2002. C'est dommage, car il gagne à être découvert.

Notre héros, Dennis Cleg, interprété par Ralph Fiennes à l'âge adulte et Bradley Hall enfant, est un schizophrène. Mais c'est lui qui nous raconte, sous forme de fragments éparses, l'histoire de sa jeunesse, dans un Londres des années 50. Désespérément, et avec ses moyens limités, il essaye de donner un sens à ses traumatisants souvenirs d'enfance : la mort de sa mère et le nouveau mariage de son père. Sauf que la mémoire et la réalité sont deux choses distinctes.

David Cronenberg est connu pour son cinéma organique. Que ce soit dans Vidéodrome, Chromosome 3, La Mouche ou eXistenZ, le corps de ses héros évolue en fonction de leur psyché. La folie, toujours présente dans ses œuvres, se voit comme une difformité physique. Mais Spider ne fait pas ça. Adapté d'un roman homonyme de Patrick Mc Grath, connu pour jouer avec la subjectivité de ses personnages, le film de Cronenberg est d'un réalisme saisissant. Après tout, pourquoi déstructurer la chair de Dennis Cleg quand ses souvenirs sont déjà une aberration ? Du coup, nous avons un film naturaliste, dont le rythme lent fait écho à la vie monotone de cet homme brisé, qui passes ses journées dans une insipide pension pour malades mentaux.

Construit à la façon d'un puzzle, mais avec des pièces en trop, Spider brode une toile, comme le fait Dennis avec des morceaux de ficelles, et plus la toile est complète, plus elle obscurcit la vision et cache la réalité. Au milieu de tout ça, il n'y a qu'un personnage. Et sans l'interprétation de Ralph Fiennes, issu du théâtre et connu pour son Hamlet, Spider ne serait certainement pas la merveille qu'il est. C'est d'ailleurs Ralph Fiennes, qui, passionné par le script, encouragea à faire produire le film, promettant d'interpréter le rôle principale.

Alors, en attendant A Dangerous Method, prévu pour cette année, vous pouvez peut-être voir ou revoir Spider, entre A History of Violence et Le Festin nu. Vous y découvrirez le Londre d'un schizophrène, sans voitures et sans piétons, une photographie léchée et une certaine lenteur calculée.

samedi 1 octobre 2011

Piranha 3-D d'Alexandre Aja

Piranha 3-D est un film d'horreur américain réalisé par un petit français, Alexandre Aja. Sorti en 2010, il est interprété par Elisabeth Shue, Adam Scott, Jerry O'Connell, Ving Rhames, Jessica Szohr, Kelly Brook, Steven R. McQueen,Christopher Lloyd et Eli Roth.



Les deux premiers films de la saga Piranha sont très plaisants. Celui de Joe Dante est un classique de la parodie de film de bestiole, avec ce qu'il faut d'humour et de sang pour être intemporel. L'autre, réalisé par James Cameron, longtemps avant Titanic, Avatar et Aliens, est une suite honnêtes, dont les séquences sous-marines préfigurent Abyss, mais avec des poissons volants et des demoiselles en bikini.

Le nouveau film d'Aja est dans la même veine. Il y a deux facettes : d'un côté nous avons une histoire classique, dans la tradition Jaw, avec une nombre limité de personnages qui vont tenter de survivre à une menace animale (bien entendu, les méchants vont mourir et les gentils vont survivre). C'est calibré, ça sert de fil conducteur et ça marche correctement.

Mais la seconde facette du film est bien plus fun. En plus de nos héros, Aja nous offre plusieurs centaines d'adolescents caricaturaux au possibles (tous ont un physique parfait, tous ne pensent qu'à l'alcool et au sexe, tous semblent sortis d'une publicité pour une quelconque lotion de bronzage). Et ils vont se faire massacrer par poignées entières, dans des séquences démentes où les seins nus sont aussi nombreux que les hectolitres de sangs. Il y a dans Piranha un des plus beaux carnages jamais vu dans un film de ce genre. Vous savez, la fameuse hécatombe qu'on attend toujours mais qui au final est empêché par les héros (ou qui se résume à 3-4 morts dans les séries Z). Là les corps se comptent par centaines et c'est un peu comme si la fameuse scène dont on nous privait depuis Jaw était enfin arrivée. Il n'y a pas de héros droit et visionnaire pour empêcher au dernier moment les piranhas d'atteindre leur buffet !

D'ailleurs il y a un point particulièrement pertinent (et original) : la responsabilité du carnage n'est pas portée par les autorités mais par les victimes, hédonistes et décérébrées, elles-même. D'habitude il y a toujours un préfet / maire / entrepreneur / gérant de plage qui ne veut pas révéler le danger (requin, séisme, volcan, pieuvre, poulpe, pollution, cimetière indien) pour des questions de profit ou d'électorat. Ici ce n'est pas le cas (une grande première). La police fait son job et demande aux jeunes de se casser... Mais prévenir ne change rien, et nos stéréotypes ambulants préfèrent continuer à danser et à boire qu'écouter l'autorité.

Ce glissement de responsabilité est vraiment rafraichissant. J'en ai vraiment marre, au cinéma, que les catastrophes (à commencer par la pollution) soient toujours ramenée à la responsabilité d'un salaud en col blanc quand dans la réalité elle sont souvent le fruit de l'inconscience des masses. Je sais que c'est plus simple d'avoir un méchant capitaliste qui ricane en buvant du champagne et de lui faire porter toutes les malheurs du monde, mais de temps en temps il faut aussi rappeler que les gens sont cons et que les accidents ne sont pas forcément le fait d'une autorité supérieure.

Après c'est juste un film de bestioles. Donc on peut détester. De plus la 3D est ratée (vraiment). Mais le gore et le fun de ce Piranha 3D en font une référence du genre (aussi limité et codifié soit-il).