mercredi 19 décembre 2007

The Unseeable de Wisit Sasanatieng

The Unseeable (Pen choo kab pee en VO) est un film thaïlandais réalisé par Wisit Sasanatieng sur un scénario de Kongkiat Khomsiri. Sorti en 2006, il est interprété par Suporntip Chuangrangsri, Tassawan Seneewongse et Siraphan Wattanajinda.



Thailande, dans les années 30 : une femme enceinte quitte la campagne pour la ville, lancée à la rechercher son mari, disparu huit mois plus tôt. Elle trouves une place chez une riche veuve solitaire. La maison est dirigée par une sorte de gouvernante qui s'empresse d'expliquer à l'héroïne qu'il ne faut pas s'approcher des quartiers de la maitresse de maison. Mais il se passe beaucoup de choses étranges dans cette immense propriété vide...

Avec son casting essentiellement féminin, et sa mise en scène vraiment superbe, le film capture rapidement l'attention du spectateur. Des décors chatoyants, un usage radical de l'obscurité et des plans complexes, même pendant de simples scènes de discussion, soulignent la virtuosité de Wisit Sasanatieng. D'un point de vue purement formel The Unseeable se situe devant Art of the Devil et Hell de Tanit Jitnukul, atteignant le savoir faire des productions coréennes et japonaises concurrentes. La bande son, très spatialisée, renforce encore l'ambiance, transformant le moindre grincement de porte en une épreuve pour les nerfs.

Bien entendu, les ficelles pour faire frissonner sont connues. On a l'impression d'assister à un cours du type La disparition hors-champ en dix leçons, et les trucs les plus éculés sont employés : gouvernante de noir vêtue et d'une austérité à faire geler un réacteur nucléaire, spectres en blanc aux cheveux longs, petite fille fantôme qui dit "je veux jouer avec toi" et rire du passé avec écho. Mais ils le sont toujours avec talent et sincérité. Le fait qu'en Thailande les traditions religieuses soient omniprésentes donnent une réelle force au propos. Poser de l'ensens et des fruits sur un autel pour amadouer un esprit est ici un geste qui va de sois, alors que dans un film américain même l'usage d'une croix tient du savoir ésotérique perdu (et donc qu'on obtient en discutant avec un vieux barbu ou un geek à lunettes, voir en consultant des livres dans la bibliothèque, au risque de se faire apercevoir et pour passer pour un enfoiré d'intellectuel). Une femme qui fait des offrandes aux morts dans un yurei eiga est une petite vieille attachée aux traditions, dans un film américain ça serait carrément une folle à lier vouée à connaître une mort atroce au court de l'intrigue. Ici c'est juste naturel.

The Unseeable est un petit chef-d'oeuvre qui vous fera cauchemarder pendant quelques nuits, même après que vous vous soyez mithridatisé au genre en absorbant des centaines de clones de Sadako. Ça reste du film de fantôme asiatique, mais, avec son intrigue ingénieuse et sa thématique, il pourrait réussir à vous surprendre.

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