lundi 30 janvier 2012

Épisode 50 de Joe Smalley et Tess Smalley

Épisode 50 est un film d'horreur américain réalisé par Joe Smalley et Tess Smalley en 2011. Il est interprété par Josh Folan, Chris Perry, Natalie Wetta, Keithen Hergott, Eleanor Wilson, Justin Brutico et Robert Maisonett.



Amis du found footage, voilà un nouveau représentant dans ce genre complètement saturé de productions fauchés et identiques. Cette fois, ce sont des fantômes et des démons qui sont au cœur de l'intrigue (quel originalité, après le succès de Paranormal Activity).

Comme dans Noroi de Kôji Shiraishi ou dans le Projet Blair Witch de Daniel Myrick et Eduardo Sánchez, nous suivons une bande de cinéastes qui enquêtent sur des phénomènes paranormaux. Cette fois, Jack (Josh Folan) et sa bande sont des professionnels, même si leur comportement est très puéril, pour ne pas dire amateur. Leur série Paranormal Investigators va atteindre son cinquantième épisode, et pour bien marquer le coup ils partent en mission dans l'hôpital psychiatrique le plus hanté de la planète, la fameuse "porte des enfers". Oui, c'est plus ou moins le scénario de Grave Encounters... Et alors ?

Une fois dans l'hôpital, Jack et sa bande rencontrent une autre équipe, chargée d'une émission similaire. C'est l'occasion de meubler avec des scènes de disputes parfaitement insipides et inutiles. Heureusement, dès que la nuit tombe, les esprits se réveillent et tout part en sucette (on le sait déjà, puisqu'un avertissement nous signale dès le départ que le fameux cinquantième épisode n'a jamais vu le jour).

L'équipe de Jack est constituée de scientifiques bornés et obtus (de parfaites caricatures, qui n'ont d'ailleurs aucune rigueur) alors que l'équipe concurrente, celle de Dylan (Keithen Hergott) est constituée de croyants qui parlent tout le temps de Dieu et qui sont aveuglés par leur orgueil (de toutes aussi parfaites caricatures). Au final, on ne s'attache à personne, même si Dylan fait illusion pendant les 60 premières minutes du film. Tout le monde est si éminemment stupide qu'on à l'impression de regarder un documentaire animalier sur les mœurs des limaces. Peut-être qu'avec de la musique de Philip Glass ça passerait...

Mais ce n'est pas le seul problème. Épisode 50 souffre énormément de l'indigence de ses décors. L'hôpital est étonnamment bien entretenu pour un édifice si hanté qu'il est interdit d'y entrer depuis plusieurs décennies. La plus part des salles sont bien balayée et on voit même quelques plantes en pot qui semblent en parfaite santé. Il y a juste quelques petits filtres gris, rouille ou bleus pour salir l'image mais personne n'est dupe : les décorateurs et l'accessoiriste n'ont pas fait leur job et se sont contentés de jeter 3 ou 4 feuilles de papier sur le sol.

De même, le placement des caméras de surveillance, pourtant élément central dans un film de found footage, n'a aucun sens. Elles ont une profondeur de champ ridiculement faible, sont 10 fois trop nombreuses, sont numérotées de façon incohérente et sont dotés d'angles minuscules.

A part ça le rythme est mou et on ne sursaute qu'une ou deux fois, même en y mettant du sien. Il y a bien un spectre à la japonaise, capables de faire des jump cuts et se déplaçant de façon saccadée, dans un bruit d'articulations répugnant, mais c'est un peu léger.

Seule les rebondissements de l'histoire pendant le dernier acte m'ont arrachés de ma somnolence. Épisode 50 est donc un clone très raté du sympathique Grave Encounters, à réserver aux amateurs boulimiques et peu difficiles ou aux aveugles.

samedi 28 janvier 2012

Don't be afraid of the dark de Troy Nixey

Don't be afraid of the dark est un film américain réalisé par Troy Nixey et sorti en 2010. Il est interprété par Katie Holmes, Guy Pearce, Bruce Gleeson, Eddie Ritchard, Garry McDonald et Bailee Madison.



Don't be afraid of the dark est le remake d'un téléfilm américain homonyme sorti en 1973 (et diffusé sous le titre Les créatures de l'ombre en France). Mais Guillermo del Toro se colle à la production et au scénario, ce qui entraine un lot de modifications conséquentes. Notamment l'ajout d'une petite fille, centrale dans le script.

Un couple spécialisé dans la restauration de demeures anciennes (Katie Holmes et Guy Pearce) emménage dans un somptueux manoir. Bien qu'un peu récalcitrant, Alex, l'homme, se voit confier la garde de sa fille Sally par son ex-femme. Mais dès son arrivée, Sally va découvrir que dans l'obscurité se cachent des créatures étranges.

Habité jadis par un célèbre peintre animalier, la demeure est emplie de fresques, de sculptures et de dessins qui donnent une esthétique exceptionnelle aux décors. Même chose pour le jardin, absolument splendide avec son labyrinthe, ses somptueux bassins et son lac, mais également inquiétant. On sent la patte de Guillermo del Toro et un sens du détail très poussé. Les cadrages sont millimétrés, la composition de chaque image tient de l'œuvre d'art et les jeux d'ombres de de lumières imposés par le scénario sont des merveilles visuelles.

Les réactions de Sally, d'abord naïve et persuadé de la bienveillance des petites choses qui se cachent dans le noir, puis de plus en plus terrorisée, sont au centre de l'intrigue. Attachante, on lui pardonne facilement sa crédulité initiale à cause de son jeune âge. Et quand la situation s'envenime, elle réagit avec une clairvoyance surprenante. On ne peut hélas pas en dire autant de ses parents.

Le seul véritable défaut de Don't be afraid of the dark c'est de nous montrer trop rapidement et trop souvent les fées des dents maléfiques. Car oui, ce sont des fées des dents (les amateurs penseront à Darkness Falls de Jonathan Liebesman et The Tooth Fairy de Chuck Bowman). Ces gobelins en images de synthèse sont ratée et perdent leur aura effrayante dès qu'on les voit.

Même problème avec un dernier acte stéréotypé et inutile. Je sais que tout film d'horreur Hollywoodien doit se terminer par une confrontation physique, directe, maladroite et convenue, mais avec del Toro au scénario on pouvait espérer mieux. Cet homme à quand même réalisé L'Échine du Diable et Le Labyrinthe de Pan.

Nous avons ainsi un film d'horreur classique, qui brille par son esthétique et par l'interprétation de son héroïne (bravo Bailee Madison) mais qui pèche par ses monstres, son développement et sa conclusion.

PS : Dernière chose, un Polaroïd ne peut pas faire 50 clichés d'affiliés. Et plus personne n'en utilise de nos jours.

jeudi 26 janvier 2012

Entr'acte de René Clair

Entr'acte est un film français réalisé par René Clair en 1924. Il est interprété par Jean Börlin, Francis Picabia, Erik Satie, Marcel Duchamp, Man Ray, Marcel Achard, Pierre Scize, Louis Touchagues et Rolf de Maré.



Entre Un chapeau de paille d'Italie, À Nous la liberté, Le Million et Les Belles de nuit, René Clair est un très grand réalisateur français, terriblement sous-estimé mais à la fois accessible, divertissant, intelligent, léger et poétique.

En dehors de ses fantastiques contributions au cinéma populaire, on lui doit aussi quelques œuvres inclassables, s'inscrivant dans un véritable effort de recherche et d'innovation. Ainsi, Entr'acte, tourné au tout début de sa carrière, pourrait servir de définition même au cinéma expérimental. Sorti en 1924, donc 5 ans avant un Chien Andalou, il servait d'entracte au spectacle Relâche, un ballet dadaïste de Jean Börlin et Francis Picabia.

Premier film tourné pour s'intégrer dans un spectacle de danse, Entr'acte est muet mais repose sur la musique composé par Erik Satie, précurseur du minimalisme (John Cage assume sa filiation avec lui). Dans l'édition Criterion (la seule que je connaisse à ce film), on trouve un interprétation de la même partition, mais enregistrée en 1967. Il faut souligner au passage la merveilleuse synchronisation qui existe entre la musique et les images.

Vous verrez en vrac des cannons danser, un bateau en papier naviguer sur les toits de Paris (décors qui constitue une obsession dans l'œuvre de René Clair), des ballerines barbues, et un cortège funèbre poursuivre un cercueil en vadrouille.

Surréaliste, incompréhensible et d'une profonde beauté poétique, Entr'acte se paye même le luxe de faire apparaitre Man Ray et Marcel Duchamp dans de discrets caméos. Les amateurs de cinéma expérimental apprécieront. En revanche, s'il vous faut une histoire, tournez-vous vers le reste de l'œuvre de René Clair. Vous en sortirez heureux et émerveillé.

mardi 24 janvier 2012

Megaupload est mort...

Le 19 janvier 2012, le FBI ferme Megaupload, dans le cadre d'une campagne anti-piratage lancée en juin 2010.



Repose en paix, Megaupload.

Reposez en paix, Filesonic et Fileserve, vous qui avez coupé votre service de partage de fichiers et qui devenez donc parfaitement inutiles.

Nous n'oublierons pas ce que vous avez fait pour les cinéphiles. Vous resterez dans notre cœur pendant 4 ou 5 jours, le temps que nous trouvions une solution de remplacement plus pratique encore, plus discrète et plus rapide.

En attendant, Bittorrent se porte toujours très bien. Les newsgroups binaires n'ont jamais été aussi abordables et on trouve de bons proxy cryptés à des prix compétitifs.

Freenet reste trop lent et trop peu fourni, mais espérons que cette mort de Megaupload sera l'occasion pour lui de se développer. Souhaitons aussi que les nœuds Tor puissent se multiplier, car ils servent aussi à des dissidents politiques qui en ont vraiment besoin.

Enfin, il reste ces gros disque durs de 2 To, chargés de 2000 films, qu'on peut brancher directement chez des amis.

Bien entendu, le piratage c'est mal. Je ne ferais jamais ça. Oh grand jamais ! Même pour voir de films qui ne sont pas édités chez nous. Il vaux mieux rester inculte que provoquer un manque à gagner théorique chez un éditeur qui n'exploite même pas certaines de ses œuvres.

dimanche 22 janvier 2012

The Phantom of Regular Size de Shinya Tsukamoto

The Phantom of Regular Size (Futsu saizu no kaijin en VO) est un film japonais de Shinya Tsukamoto réalisé en 1986. Il est interprété par Kei Fujiwara, Nobu Kanaoka, Tomorowo Taguchi et Shinya Tsukamoto lui-même.



D'une durée de 18 minutes et quasiment muet, The Phantom of Regular Size est un brouillon du génial Tetsuo, tourné deux ans plus tôt mais tout aussi cauchemardesque. Filmé en couleur, sur pellicule 8 millimètres, il incorpore déjà tous les éléments de son descendant (déplacements surréalistes en stop-motion, montage abusant du cut et bande son hyper-agressive à base de bruit industriels).

L'histoire, trop brève pour être compréhensible, est celle d'un homme qui se transforme progressivement en métal (ici, il se recouvre essentiellement de papier d'aluminium). Dit comme ça, cela semble simple, mais en vrai c'est glauque, écrasant et viscéral. Peu de premiers films sont aussi hystériques, novateurs et malsains.

Exemple type de cinéma expérimental quasi-amateur, The Phantom of Regular Size s'inscrit dans une mouvance cyberpunk alors très peu représentée à l'écran, même au Japon. A l'époque Tsukamoto n'avait rien tourné, si ce n'est quelques publicité, mais son style, bien que brouillon en apparence, est déjà terriblement maitrisé. Les couleurs, qui s'opposent au noir et blanc esthétique de Tetsuo, sont volontairement sales et baveuses, avec un abus évident de filtres. Du rouge de la chair, on passe progressivement au bleu du métal pour tendre vers des plans quasi-monochromatiques.

L'obsession de Tsukamoto pour un cinéma charnel à la David Cronenberg se sent, tout comme sa fascination pour le métal, la rouille et les modifications du corps (pour ne pas dire mutilations).

Les amateurs de Tetsuo doivent donc impérativement se jeter sans hésiter sur ce truc inclassable.

vendredi 20 janvier 2012

Baraka de Ron Fricke

Baraka est un documentaire américain réalisé par Ron Fricke en 1992. Il est produit par Mark Magidson et Alton Walpole.



Après avoir été directeur de la photographie pour Godfrey Reggio sur Koyaanisqatsi, Ron Fricke part travailler comme réalisateur sur un projet titanesque : Baraka. Un documentaire sans paroles ni scénario, dont l'interprétation est entièrement laissée au spectateur.

Splendide aussi bien dans sa description de la nature que des hommes Baraka est très proche du travail de Godfrey Reggio sur Koyaanisqatsi, Powaqqatsi et Anima Mundi. C'est tout simplement un des plus beaux films jamais réalisés et il ravira les pupilles des spectateurs les plus blasés.

Tourné en 70mm dans 24 pays, Baraka s'intéresse à plusieurs sujets. Entre des très nombreuses séquences consacrées à la spiritualité et aux religions, s'intercalent des plans sur l'aspect mécanique et tumultueux de la vie quotidienne des hommes modernes. Quelques chapitres, plus pessimistes, sur la destruction et la guerre, assombrissent également le ton, même si le film reste très contemplatif.

Seul point sombre : la musique de Michael Stearns et du groupe britannico-australien Dead Can Dance ,quoi que très intéressante, n'égale jamais la beauté du score de Philip Glass. Alors que Koyaanisqatsi pouvait se voir comme une symphonie illustrée et restait extraordinaire même les yeux fermés, Baraka repose avant tout sur ses images. Philip Glass est un des meilleurs compositeurs de musique classique des États-Unis et un des pionniers du minimalisme. Son absence se fait donc cruellement sentir. C'était sa bande son qui donnait à la trilogie des Qatsi leur perfection.

Reste un spectacle qui vaut le détour, tout particulièrement si vous voulez vous convaincre que votre équipement HD est utile. Donc, en attendant sa suite nommée Samsara et promise pour bientôt, découvrez sans hésiter Baraka.

mercredi 18 janvier 2012

Apollo 18 de Gonzalo López-Gallego

Apollo 18 est un film de science-fiction américano-canadien réalisé par Gonzalo López-Gallego. Sorti en 2011, il est interprété par Warren Christie, Lloyd Owen et Ryan Robbins.



Nouveau film s'inscrivant dans la logique du "found footage", 30 ans après Cannibal Holocaust, Apollo 18 est censé être monté à partir d'une centaine d'heures de vidéo uplodés de façon anonyme sur internet. Il faut dire que depuis Opération Lune, un faux documentaire de William Karel ayant été compris de travers par un multitude de spectateurs décérébrés, tout internet semble persuadé que la NASA nous cache la vérité en sifflotant la musique du générique des X-files.

Ici, la NASA n'est pas accusée d'avoir fait une fausse mission habitée sur la lune, mais au contraire d'avoir caché au grand public la mission Apollo 18, officiellement abandonnée le 2 septembre 1970.

Nous suivons donc trois astronautes en mission secrète pour le gouvernement. Une fois sur la lune, ils mettent des caméras partout, à la façon Paranormal Activity (le prétexte pour les placer est assez flou). Ces caméras capturent rapidement des images troublantes, très bruitées et dégradées, tradition oblige. Car les cailloux lunaires sembles dotés d'une vie propre et bougent parfois...

Lent et prévisible, Apollo 18 parvient cependant à faire peur. D'abord parce qu'il distille une ambiance inquiétante (deux hommes, seuls sur la Lune, à 384 467 kilomètres de chez eux, c'est quand même terriblement angoissant). Ensuite parce qu'il a une histoire à raconter. Certes, c'est une scénario atrophiée (tournant autour d'un LEM russe retrouvée par nos héros), mais cela suffit à focaliser l'attention du spectateur.

Comme on est dans un cadre à-peu-prés réaliste, la moindre anomalie devient très intrigante. Par exemple, la disparition du drapeau plantés par nos héros américains suscite des milliers de questions. Il n'y a pas de vent ou d'activité sismique sur la lune, rien qui puisse justifier qu'un drapeau disparaisse (sauf, à la rigueur, un impact d'astéroïde, hypothèse d'ailleurs émise).

Au final, nous avons un petit film d'ambiance, qui fait des efforts pour cacher son budget anémique (5 millions de dollars) et qui fonctionne vraiment l'instant de plusieurs plans. Le choix de l'approche documentaire est un peu opportuniste, mais ne gâche rien car de vrais efforts de mise en scène sont faits par Gonzalo López-Gallego. Bien que descendu par la presse, Apollo 18 vaut donc le détour si vous aimez la science-fiction horrifique et que Blair Witch Project vous fait toujours de l'effet.

lundi 16 janvier 2012

Rubber de Quentin Dupieux

Rubber est un film français réalisé par Quentin Dupieux en 2010. Il est interprété par Stephen Spinella, Roxane Mesquida, Jack Plotnick, Haley Ramm, Thomas F. Duffy, Wings Hauser et un certain Robert (qui est en fait un pneu).



Il n'existe que peu de films aussi inclassable, loufoques et étranges que Rubber. Jugez plutôt : c'est l'histoire d'un pneu qui prend vie sans raison et qui est dotés de pouvoirs sur-naturels jamais expliqués (télékinésie et télépathie). Quittant sa décharge publique, il part à l'aventure, tuant au passage tout ce qui croise sa route (d'abords des petits-animaux, puis des hommes).

Parallèlement à l'intrique, nous découvrons le destin des spectateurs du film, qui, installés dans le désert, suivent l'intrigue à travers des jumelles tout en la commentant. Ainsi, on les voit s'interroger sur la flottabilité d'un pneu ou sur la meilleur façon de terminer le long-métrage.

Bien que tourné avec un simple réflex numérique (un Canon EOS 5D Mark II), Rubber est très beau. Les cadrages sont soignés, les images débordent de détails et en projection numérique c'est un vrai bonheur. Craquelures sur la surface du pneu, sable, graviers, poussières : tout est visible à l'écran et contribue à une impression de réalisme qui contraste avec le surréalisme de sujet. Mention spécial aux effets gores, qui rappellent les glorieuses heures de Scanners.

Décrire Rubber est vain. Beaucoup de scènes ne peuvent pas s'expliquer sans perdre leur valeur. Certains trouveront que le film triche. Il casse le quatrième mur, interagit avec des spectateurs virtuels, bâcle sa conclusion, n'explique rien et se perd dans des méandres inutiles. Cependant, il faut voir Rubber comme une ode au "no reason" (c'est d'ailleurs précisé plusieurs fois tout au long du scénario). Et de ce point de vue, c'est un petit bijoux. Un véritable OVNI comme on en voit qu'une fois tous les ans.

Amateurs de cinéma déviant, foncez découvrir Rubber !

samedi 14 janvier 2012

Mondovino de Jonathan Nossiter

Mondovino est un documentaire franco-américain réalisé par Jonathan Nossiter. Sorti en 2004, il est met en scène Michel Rolland, Aimé Guibert, Robert Mondavi Winery, Hubert de Montille et Robert Parker.



Fresque ambitieuse qui évoque par certains aspects Le Guépard de Luchino Visconti, Mondovino retrace le destin de plusieurs dynasties d'aristocrates florentines, de milliardaires californiens et d'une petite famille bourguignonne. Le lien entre ces protagonistes : tous produisent du vin et ont bien l'intention de rester dans la course alors que le marché se mondialise et change de visage.

Présentant la lutte de David contre Goliath, les impactes de la globalisation, la déforestation et la façon dont le goût du vin évolue pour satisfaire le nouveau mâché sur le quel il s'exporte, Mondovino passionnera autant les amateurs de vins que les spectateurs néophytes.

Le film est constitué essentiellement d'interviews, montés à partir de 500 heures de rushes. Le passage de la DV (un caméscope numérique Sony PD-150) à la pellicule 35 mm se sent un peu, mais la beauté des paysages qui émaillent le filme reste remarquable.

Il est amusant, alors que Jonathan Nossiter est engagé dans une noble cause, la société Les Films de la Croisade ait fait tout son possible pour effacer toute trace Mondovino d'internet, attaquant en justice Google parce-que, via son intermédiaire, on pouvait trouver gratuitement le documentaire en question (comme on peut trouver presque tous les films, croyez-moi, je suis bien placé pour le savoir).

Les Films de la Croisade rejoint ainsi dans le hall of shame des intégristes de la propriété intellectuelle les ayant-droits de Martin Luther King qui ont exigés le retrait de Youtube du fameux discours I Have a Dream. Ce qui suppose que Martin Luther King avait écrit ces émouvantes lignes pour permettre à quelques cupides de grappiller quelques dollars par ans plutôt que pour toucher le cœur d'un maximum d'hommes et de femmes.

Plutôt que le boycott du vin californien, je vous suggère donc de boycotter ce film, même s'il est excellent. Regardez-le chez un ami ou empruntez-le à une médiathèque, mais ne l'achetez surtout pas. Il y a des crimes contre la liberté d'expression qui méritent la seule punition que l'industrie puisse comprendre : la sanction pécuniaire.

jeudi 12 janvier 2012

Le Monde selon Monsanto de Marie-Monique Robin

Le Monde selon Monsanto : de la dioxine aux OGM, une multinationale qui vous veut du bien est un film réalisé par Marie-Monique Robin. Sorti en 2008, il met en scène David Baker, Ken Cook, David Carpenter, Robert Bellé, John Hoffman, Dan Glickman, James Maryanski et Richard Burroughs.



Ennemis de la mondialisation, des hormones et des OGM voilà le film de référence sur le sujet : Le Monde selon Monsanto. Coproduit par Arte, Image et Compagnie, Productions Thalie, Office national du film du Canada et WDR, ce documentaire est aussi sérieux qu'argumenté. L'ensemble est présenté comme une enquête sur Monsanto, la multinationale connue pour ses nombreux brevets sur les OGM mais également pour avoir produit l'agent orange utilisé comme défoliant pendant la guerre du Vietnam.

La première partie du film est consacrée à l'histoire judiciaire de la firme, plus particulièrement aux problèmes de la pollution au PCB (polychlorobiphényle) causés par une usine en Alabama qui contaminait l'eau potable environnante. Ainsi, dans les années 70, Monsanto avait été condamnée à payer 700 millions de dollars pour indemniser les victimes et décontaminer le site. Ensuite ce sont les hormones de croissance bovines Monsanto qui sont abordées (au passages elles sont interdites en Europe) et les effets sur les population vietnamienne de l'agent orange.

La seconde partie du film s'intéresse à l'herbicide Roundup, soi-disant biodégradable. En France, en 2007, Monsanto a finalement été condamnée pour publicité mensongère... Car le Roundup n'est pas du tout biodégradable et s'avère même être toxique pour l'homme. Mais cette histoire n'est qu'un prélude à l'introduction du vrai sujet : les OGM, en commençant par le soja roundup-ready.

Accompagné d'un livre homonyme, Le Monde selon Monsanto est rigoureux (dans la mesure où un documentaire peut l'être) et bien construit, même s'il sombre parfois dans l'excès. Les coupeurs de cheveux en quatre regretterons quelques simplifications et un soupçon de démagogie, mais on est loin de l'approximatif d'un Food Inc. ou d'un Super Size Me. Le film a aussi le mérite de ne pas se déchainer sur les OGM en général, qui sont un sujet à troll sur lequel on raconte énormément de bêtises, mais sur les OGM de Monsanto. On voit ainsi un interview de James Maryanski et Michael Taylor qui sont favorables aux OGM. Bon cet entretien ne suffit pas à faire du documentaire une œuvre neutre et objective (loin de là) mais au moins un effort est fait pour essayer de l'être, ce qui mérite d'être salué. C'est de toutes façons le meilleur film sur le sujet.

Malgré les nuances introduites dans le propos, des tas de spectateurs n'y verront qu'un nième brûlot sur le thème "les OGM c'est mal" (surtout s'ils sont déjà persuadés de ce fait), tout comme j'y voit un cri "la propriété intellectuelle sur le vivant c'est mal"...

mardi 10 janvier 2012

Food Inc. de Robert Kenner

Food, Inc. est un documentaire américain réalisé par Robert Kenner en 2008. Narré par Michael Pollan et Eric Schlosser, il met en scène Diana DeGette, Phil English, Gary Hirshberg, Larry Johnson et Joel Salatin.



Certains ont tendance à interpréter toute image décrivant l'industrie agro-alimentaire comme horrible. C'est le fameux syndrome Soleil Vert : Oh, mon dieu, la viande c'est des animaux morts ! Et en plus, il faut les tuer pour qu'ils soient morts ! Ainsi, Notre pain quotidien, qui avait séduit l'ingénieur qui sommeille en moi avec toutes ces machines bien huilées et ces usines d'abattage à la propreté clinique, est parfois cité comme une charge dénonçant les abominations qui échouent dans nos assiettes.

Mais, si Notre pain quotidien m'avait ravi, il faut reconnaitre que Food Inc. est effrayant. Certes, il abuse d'effets faciles en exploitant le genre de musique inquiétante qu'Arte emploi pour ses documentaires sur le nazisme. Certes il veut émouvoir avec tout et n'importe quoi (oh, on ramasse les poules avec une machine). Mais en dehors de quelques ficelles un peu grossières, il est relativement efficace et atteint son objectif : amener le spectateur à réfléchir sur ce qu'il mange et sur l'implication des gouvernements et des industriels dans tout cela. Et il y parvient d'autant plus qu'il repose sur une solide base de vérité, étayée par des témoignages instructifs (mais très partisans).

Vous découvrirez la façon dont Monsanto utilise la propriété intellectuelle pour ruiner des fermiers partout à travers le monde et imposer ses OGM à l'aide de décisions de justices aberrantes, le tout avec la bénédiction du gouvernement américain. Vous verrez comment les méthodes d'élevage modernes entrainent des taux de bactéries exorbitants chez les volailles, ainsi que le solutions chimiques employées pour palier à ce problème. Vous apprendrez que l'USDA a mis en place des tests pour détecter Escherichia coli en 1998 et que suite aux résultats des analyses, l'USDA a été trainé en justice et s'est vu enlever sa possibilité de fermer les usines qui échouaient à ses tests.

Surtout, vous découvrirez une Amérique où les institutions sont à la solde de l'industrie via des lobbies. Où la dissémination des OGM permet, test ADN à l'appui, de faire fermer les fermes qui précisément n'en utilisent pas (et donc ne paient pas leur licence)... Une Amérique où les subventions sur la culture du maïs ont permis le remplacement du sucre par le sirop de maïs à haute teneur en fructose (alors qu'il est plus couteux à cultiver, et qu'on a moins de recul sur ses effets sanitaires).

Loin du sérieux du Monde selon Monsanto, Food, Inc. n'en est pas moins un excellent documentaire. Dommage qu'il soit aussi ouvertement manipulateur, à la façon d'un Michael Moore (l'humour en moins).

dimanche 8 janvier 2012

We Feed the World de Erwin Wagenhofer

We Feed the World (sous-titré Le marché de la faim) est un documentaire autrichien réalisé par Erwin Wagenhofer. Sorti en 2007, il est inspiré d'un livre de Jean Ziegler intitulé L'empire de la honte.



Une multitude de documentaires et de films se sont récemment intéressés à l'industrie agroalimentaire et à la mondialisation de son marché. En 2004, Morgan Spurlock fait rire l'Amérique avec Super Size Me, sa croisade contre McDonald, pendant que Deborah Koons Garcia s'interroge sur les OGM dans The Future of Food. En 2005, sort mon favori, Notre pain quotidien; froid et silencieux il brille par son absence totale de jugement et même d'explication (comme dans la trilogie des Qatsi). En 2006 c'est au tour de Fast Food Nation d'essayer de nous faire fuir la restauration rapide. Et puis les titres s'enchainent : We Feed the World en 2007, Food, Inc., Nos enfants nous accuseront et Le Monde selon Monsanto en 2008 et dernièrement Main basse sur le riz.

We Feed the World se démarque du lot par son sérieux et sa dimension politique. Loin des effets faciles de Food, Inc. ou du comique de Super Size Me, il dénonce le libéralisme contemporain et ses conséquences désastreuses sur le marché agroalimentaire. Bref, We Feed the World n'est pas là pour nous effrayer en nous promettant que nous allons mourir d'un cancer parce-que les vaches sont maltraitées, il est là pour nous prouver que la faim dans le monde est imputable à une logique économique qui n'existe que pour la maximalisation des profits. On voit ainsi le PDG de Nestlé, par exemple, défendre que l'eau devrait être considérée comme une denrée alimentaire comme les autres et que la privatisation des nappes phréatiques et des sources ouvrirait un marché formidable.

Au-delà de son constat politique, le film est instructif. Si vous vous êtes demandés pourquoi toute l'Europe consomme des légumes espagnols, vous apprendrez que cela découle du très faible coût des transports (moins d'1% du prix à la revente dans le cas des tomates). D'autant plus que les gouvernements subventionnent l'exportation agricole. L'illustration est faite à-travers un exemple percutant : au marché de Sandahar (Sénégal), un des le plus grand marché d'Afrique, les légumes européens, très présents, sont vendus au tiers du prix des produits locaux.

Gros point négatif : Le marché de la faim souffre d'une esthétique limitée et d'une mise en scène qui manque sérieusement de personnalité. A part quelques scènes apocalyptiques et splendides (la destruction en masse de pain et de maïs), le film de Erwin Wagenhofer tient plus du documentaire télé que de l'œuvre destinée aux salles obscures.

vendredi 6 janvier 2012

Super Size Me de Morgan Spurlock

Super Size Me est un film documentaire américain réalisé par Morgan Spurlock en 2004. Il met en scène Morgan Spurlock, Daryl Isaacs, Lisa Ganjhu, Stephen Siegel, Bridget Bennett, Alexandra Jamieson et Eric Rowley.



Avec 30 millions de dollars de recettes dans le monde pour un budget de 65 mille dollars, Super Size Me est au documentaire ce qu'est The Blair Witch Project au cinéma horrifique : une minuscule production basée sur une bonne idée mais faisant mouche. Bien que peu ambitieux, il rencontre un succès commercial le plaçant loin devant Food, Inc., We Feed the World et Notre pain quotidien.

Réalisé, produit et scénarisé par Morgan Spurlock, Super Size Me met en scène Morgan Spurlock lui-même dans une grotesque bouffonade. L'idée est simple, top simple même pour faire un film : Spurlock se propose de ne manger que chez McDonald's pendant un mois. Avec trois repas par jour, petit-déjeuner, déjeuner et diner, il veut prouver que les fast foods peuvent causer l'obésité. Durant la durée de l'expérience, il est suivi par un médecin et soutenu par sa compagne (qui est végétarienne).

L'expérience ne prouve rien (un seul sujet, et pas de groupe témoin, c'est limite comme panel), et tient de la tautologie (trop manger, c'est pas bon pour le corps). De plus Spurlock prolonge son régime au-delà du nécessaire (après quelques semaines seulement, il est déjà bien mal en point et à un taux de cholestérol affolant). Bref, ne cherchez pas dans Super Size Me une étude digne d'être publiée dans Journal of the American Medical Association, il s'agit juste d'un documentaire à la Michael Moore qui fait rire pour faire réfléchir.

Le film est une réflexion sur la place de McDonald's dans la culture américaine et sur l'obsession des hommes pour la viande, mais également une comédie type tarte à la crème, avec du vomi, des personnages hauts en couleur et des caricatures de clowns. Et s'il ne prouve rien d'un point de vue médical, il a le mérite de toucher tout le monde et pas seulement les experts en diététiques et les scientifiques capable de lire des histogrammes et de faire leur test du χ². Avec pédagogie, il distille d'ailleurs quelques statistiques, en plus de la fameuse "expérience" de Spurlock.

Conséquence : McDonald's a retiré le menu Super Size de sa carte quelques semaines après la sortie du film. Et ça ne serait jamais arrivé si le public n'avait pas afflué massivement pour voir Spurlock faire le pitre.