Lost in La Mancha est l'histoire réelle d'une catastrophe cinématographique. Ce qui au départ devait être un simple making of devint finalement les chroniques du tournage apocalyptique de L'Homme qui a tué Don Quichotte, un film réalisé par Terry Gilliam et encore attendu par des milliers de cinéphiles à travers le monde.
Don Quichotte, écrit par Miguel de Cervantes entre 1605 et 1615, est un roman cinématographiquement maudit. Orson Welles s'est cassé les dents sur le même sujet, tournant de manière chaotique, entre 1955 et 1964, une première version de son légendaire projet. Insatisfait par son montage initial, il reprend un tournage qui s'est déjà éternisé pendant des années, avec un Francisco Reiguera (Don Quichotte) maintenant âgé de 80 ans. En 1969 Reiguera meurt, et en 1970 Orson Welles réalise un second montage qu'il juge toujours insatisfaisant. Privé de son acteur principal, Welles s'entête cependant jusqu'en 1973, avant de mettre mettre le projet de côté. Quand il meurt en 1985, son Don Quichotte est toujours inachevé et se résume à 10 heures de rush (tournés sur plus de 15 ans). En 1992, Jess Franco tente maladroitement de se dépêtrer avec les morceaux laissés par Welles, faisant sa propre interprétation de l'œuvre et complétant le film avec des effets spéciaux et des dialogues post-synchronisés.
Pourtant, Terry Gilliam semble confiant dans le destin de L'Homme qui a tué Don Quichotte. En octobre 2000, il commence le tournage, prés de Madrid. Doivent participer Jean Rochefort, Johnny Depp et Vanessa Paradis. Au départ tout va bien, si ce n'est que la proximité d'une base aérienne pose quelques difficultés de cadrage et empêche la prise de son directe (rien de plus bruyant que des F16). Puis la météo s'en mêle et des pluie diluviennes endommagent une partie du matériel et transforment le désert choisi par Gilliam en plaines boueuses et verdoyantes. Le tournage est retardé et la facture est gonflée, mais cela reste gérable.
Ensuite c'est Jean Rochefort qui souffre d'une infection de la prostate l'empêchant de monter à cheval. Au début il sert les dents, décidé à boucler le tournage malgré la douleur, mais il doit finalement se faire rapatrier en France. Là, on lui diagnostique en bonus une double hernie discale, ce qui détruit tout espoir d'un rétablissement rapide et d'un retour sur le plateau. Les producteurs s'affolent, d'autant plus que presque rien n'a été tourné (Vanessa Paradis n'est même pas encore venue participer au tournage). Il faut dire que les malheurs rappellent le fiasco financier des Aventures du baron de Münchhausen, tourné par le même Gilliam en 1988 (qui fut un vrai gouffre financier, même si c'est une pure merveille).
Ce que ne raconte pas Lost in La Mancha, sorti en 2002, c'est qu'il reste une lueur d'espoir, car Terry Gilliam est encore vivant et semble bien décidé à poursuivre le rêve de sa vie. En 2010 il a fait une nouvelle tentative le faire produire. Cette fois Robert Duvall revêtira l'armure de Don Quichotte. Hélas, ce fut un nouvel échec. Espérons qu'il s'entêtera comme Orson Welles et que le dénouement ne sera pas tragique.
PS : Il semblerait que les assurances aient fini par payer la part du sinistre lié à l'absence de Jean Rochefort.
1 commentaire:
Un correction nécessaire à la bonne compéhension du problème.
La discussion, très dur, a porté sur le concept de "force majeure" (actes of god) pour tous les sinistres. Il y avait une contestation mais les assurances ont finalement payé la part du sinistre lié à l'absence de Jean Rochefort. (Le cout du stand by). Et comme ils ont payé, ils sont devenus propriétaire du négatif. Après, c'est une autre histoire..
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