Fitzcarraldo compte parmi mes films fétiches, notamment parce qu'à travers les images transparaissent l'infini complexité de son tournage et l'investissement titanesque de Werner Herzog et de Klaus Kinski. La nature hostile, la folie des hommes, la volonté de quelques géants : il y a tout ce dont on peut rêver dans ce bijou, et surtout tout cela est d'un réalisme presque palpable. Burden of Dreams est un documentaire justement consacré au tournage de ce chef-d'œuvre du septième art.
Tourné par Les Blank, qui avait déjà réalisé en 1980 un autre documentaire sur Herzog : Werner Herzog Eats His Shoe, Burden of Dreams est aussi passionnant qu'instructif et ravira les cinéphiles comme les amateurs d'épopées.
Car Fitzcarraldo c'est un tournage maudit... Les ennuis commencent avec la dysenterie de Jason Robards, l'acteur principale, qui est obligé de quitter le tournage et qui se voit interdit par son médecin de retourner travailler dans la jungle. En dernier recours, et après avoir songé à incarner Fitzcarraldo lui-même, Herzog appelle son ennemi intime, l'acteur Klaus Kinski, qu'il avait déjà eut l'occasion de détester sur le tournage cauchemardesque d'Aguirre, la colère de Dieu. Peu après, ce sont les autorisations de tourner qui posent problème, suite à un désaccord avec les Agurunas, qui voient l'intrusion du réalisateur allemand comme une violation de leur territoire. Échappant de justesse à l'incident diplomatique, Herzog est obligé de déménager au pire moment de son tournage.
Mais l'apothéose de Burden of Dreams correspond au point d'orgue de Fitzcarraldo. Dans l'histoire, le personnage incarné par Kinski s'entête à essayer de monter un bateau à vapeur (aux dimensions démesurées) le long d'une colline, pour le faire passer d'un affluent de l'Amazone à un autre. Pour cela il recrute une tribu locale, les Shuars, qui accomplissent ce travail titanesque avec des outils très rudimentaires. Herzog fait choix de tourner la scène en pleine forêt amazonienne, a des heures de bateau de la civilisation, avec une authentique tribu d'autochtones. Et pour plus de réalisme, il décide de l'accomplir sans trucages.
Les problèmes rencontrés sont dantesques, mais Herzog s'entête. La montée des eaux du fleuve rajoute une contrainte temporelle forte, pendant que les tensions se multiplient entre les indiens et Kinski...
Burden of Dreams est une épopée passionnante sur l'ambition et l'acharnement aveugle de deux hommes, épopée qui ressemble furieusement à l'histoire même racontée dans Fitzcarraldo. Au final, Herzog met autant de volonté dans le tournage de son film que Fitzcarraldo n'en met dans son rêve : construire une opéra à Iquitos.
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