vendredi 4 juin 2010

Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa

Tokyo Sonata est un film japonais réalisé par Kiyoshi Kurosawa en 2008. Il est interprété par Teruyuki Kagawa, Kyôko Koizumi, Yû Koyanagi, Inowaki Kai et Haruka Igawa.



Kiyoshi Kurosawa ne fait pas que des yurei eiga. Certes, Kairo, Séance, Loft et Rétribution peuvent facilement êtres classés dans le genre, mais à chaque fois les éléments surnaturels sont là pour souligner un propos réaliste et réfléchi sur des problèmes profonds. Ici nous avons donc un drame social sans fantômes ni la moindre once de cinéma fantastique, et pourtant le style inimitable de Kiyoshi Kurosawa se perçoit sur chaque plan.

C'est l'histoire d'une famille japonaise plutôt aisée. La mère est femme au foyer. Le père est absent, pris par son travail. Un jour il est licencié pour des raisons économiques. Incapable de l'avouer à son épouse, il profite de ses indemnités de licenciement pour lui cacher la vérité et continue tous les matins à prétendre partir au bureau. En faisant la queue pour obtenir un bol de soupe gratuite il rencontre un autre sans emploi dans la même situation que lui... Privé de son travail, qui le définissait, il compense son impuissance par une autorité de plus en plus tyrannique sur sa famille.

Tokyo Sonata c'est une famille qui se disloque par manque de communication. C'est un homme trop fière pour avouer ses faiblesses qui se retrouve privé de sa place dans la société. Son fils ainé fuit en entrant dans l'armé américaine. Son cadet tente de s'échapper par la musique et demande à suivre des cours de piano, cours que lui refuse son père. C'est terriblement déprimant, avec les deux thèmes majeurs de Kurosawa : l'impossibilité de communiquer et une société déshumanisante... Tout dérive et se désagrège. Au milieu de tout ça nous avons un gamin qui tente d'apprendre le piano en répétant sur un clavier cassé, récupéré dans un poubelle et parfaitement silencieux.

Et puis c'est la grande surprise : les morceaux finissent par se recoller. Là où le spectateur attend un dénouement tragique à la Kairo, il découvre un message presque optimiste. Il n'y a que quelques protagonistes qui se suicident et les autres passent au travers et se relèvent... On est à des kilomètres de l'inexorable déroulement de Charisma, de Jellyfish et de Cure...

Tokyo Sonata est incontournable. Il peut sembler irréaliste ou maladroit mais ce ne sont que des défauts superficiels. Au fond il est parfaitement réglé, calculé et raconté. Jellyfish du même réalisateur avait été nominé pour la palme d'or en 2003 mais n'avais reçu aucun prix à Cannes. Tokyo Sonata a décroché en 2008 le prix du jury dans la catégorie Un certain regard. Il était vraiment temps que le talent de Kiyoshi Kurosawa soit pleinement reconnu.

Enfin, pour conclure, ça fait plaisir d'entendre le mouvement Clair de Lune des Suite bergamasque de Claude Debussy intégralement interprété. Cette pièce pour piano est si populaire au cinéma qu'il est frustrant d'en entendre éternellement quelques notes sans jamais pouvoir l'écouter du début à la fin.

jeudi 3 juin 2010

L'heure suprême de Frank Borzage

L'heure suprême est un film américain réalisé en 1927 par Frank Borzage. Il est interprété par Janet Gaynor, Charles Farrell, Ben Bard, Albert Gran, David Butler et Marie Mosquini.



Je ne parle sur ce blog que de séries Z, de films d'horreur et de cinéma complètement inclassable mais ça ne représente qu'une infime partie de ce que je regarde. Pour le cinéma sérieux il existe heureusement des milliers de journaux, de livres et de blogs traitant très bien le sujet. Ça ne sert à rien d'écrire un article pour dire qu'il faut voir un chef-d'œuvre comme Les visiteurs du soir puisque tout les cinéphiles connaissent déjà.

Il existe cependant un cinéma mélodramatique hollywoodien sous-estimé. De par son exagération son lyrisme et son mysticisme il à sa place ici. C'est le cinéma de Frank Borzage, un réalisateur dont le gros de la filmographie à été tourné entre 1920 à 1940. En 1927, il réalise une mélodrame intitulé L'heure suprême pour lequel j'ai une affection infinie. C'est de ce film que je vais vous parler.

C'est l'histoire d'une jeune fille, Diane (Janet Gaynor dans un rôle qui lui vaudra un Oscar), maltraitée par sa sœur Nana (cette dernière la fouette même littéralement). Poursuivie dans les rues d'un Montmartre symbolique (parisiens, passez votre chemin) par Nana, elle rencontre Chico (Charles Farrell, également oscarié pour ce film) qui la sauve. Simple balayeur il se révèle d'une grandeur d'âme peu commune et la prends sous sa protection. Les deux amoureux coulent des jours heureux dans leur mansarde au septième étage (d'où le titre original, Seventh Heaven). Mais c'est la mobilisation de 14 et Chico doit partir au front. Les il convient alors avec sa bienaimée d'un rendez-vous mental, tous les jours, à 11 heures (l'heure de leur rencontre).

Le film est une merveille esthétique, mais ce qui est le plus intéressant dans cette bijoux du cinéma muet, c'est sa dimension mystique. Ainsi, on retrouve dans L'heure suprême un mariage purement symbolique entre les deux héros (pas de témoins ni de prêtres, mais un échange de serment en face à face), une des caractéristiques récurrentes du cinéma de Borzage. Il y a aussi une obsession mystique pour la question de la foi (Diane est croyante alors que Chico est athée), et une dimension surnaturelle d'un lyrisme exacerbé. Car lors de leurs rendez-vous mentaux, les deux amoureux sont en contact télépathique, contact uniquement suggéré par une mise en scène brillante...

C'est larmoyant, bourré de symboles et contrasté à l'infini (horreur des tranchées, mansarde paradisiaque, égouts obscurs, usine d'obus déshumanisante).